Point sur la crise des semi-conducteurs et son impact dans le monde
Depuis plusieurs mois, de nombreux secteurs sont fortement touchés de manière plutôt inégale, par la crise des semi-conducteurs. Pour rappel les semi-conducteurs sont des petites puces électroniques indispensables dans tout système électronique moderne. Que ce soit pour produire un jeu vidéo, un véhicule ou même un ordinateur, les semi-conducteurs sont primordiaux pour permettre de transmettre l’information à la machine, tel un cerveau électronique. Dans cet article, nous faisons un point détaillé sur la situation actuelle qui ne fait que d’évoluer de jour en jour afin d’en mieux comprendre les mécanismes et complexités liés à cette pénurie.
La pénurie des semi-conducteurs dans l’automobile : une des conséquences du Covid-19.
Le secteur automobile est l’un des secteurs qui a été le plus fragilisé par la crise des semi-conducteurs. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène et nous vous en parlions dans notre précédent article.
Peu de semi-conducteurs sont disponibles et la filière automobile est loin d’être la première servie car elle ne représente que 10 % de la clientèle des fabricants de ces composants. D’autres secteurs pèsent plus, comme la téléphonie, et sont par conséquent prioritaires.
En raison de la pandémie, le secteur automobile a connu, au premier semestre 2020, une forte baisse de la demande de véhicules ralentissant ainsi fortement la production automobile. En parallèle, le passage en télétravail et le besoin accru en connectivité qui en découle, a entrainé une hausse considérable de la demande de matériel informatique (ordinateurs personnels, jeux vidéo, équipements de communication…). Tous, que ce soit l’automobile, l’ordinateur, le téléphone, la console de jeux… tous sans exception nécessitent la fabrication de semi-conducteurs.
C’est pourquoi avec la crise du Covid-19, les entreprises produisant ces puces ont concentré leurs efforts vers ces autres secteurs (jeux vidéo, 5G, téléphonie…) qui s’avèrent être beaucoup plus rentables que l’automobile. Cependant, lorsque la demande du secteur automobile est repartie plus rapidement que prévue au second semestre 2020, l’industrie des semi-conducteurs avait déjà redirigé une majeure partie de sa production pour répondre à la demande d’autres domaines plus lucratifs. L’industrie automobile n’était donc plus la priorité des producteurs de ces puces électroniques.
De toute évidence, cette pénurie de semi-conducteurs a aujourd’hui des conséquences directes sur les constructeurs automobiles.
Que ce soit Stellantis, Renault, General Motors ou encore Ford, tous ont dû ralentir voire arrêter des lignes de production de leurs véhicules. Le constructeur Mercedes-Benz quant à lui, a été contraint de stopper la production de plusieurs de ses modèles haut de gamme (Classe S, Classe E…).
Il est question d’environ 11 millions d’unités cette année qui ne pourraient pas être produites à cause de la pénurie de semi-conducteurs, des retards dans le conditionnement et les tests des puces, estime aujourd’hui le cabinet d’études IHS Markit. Une perte qui représenterait au niveau mondial plus de 500 milliards de dollars, pénalisant davantage cette industrie déjà fragilisée par la COVID-19.
Les professionnels de la filière plutôt optimistes estiment un retour à la normale pour le troisième trimestre 2022, mais la plupart misent plus à horizon 2023 voire même 2025.
Les constructeurs automobiles n’ont pas d’autres choix que de patienter et d’accepter les délais s’allongeant de jours en jours et ceci sans pénaliser les consommateurs puisqu’à date aucun constructeur n’a répercuté cette hausse du prix d’achat des semi-conducteurs sur ses tarifs catalogue.
Cependant certains pourraient revoir leur prix si la hausse des prix se poursuivait au-delà de 2021.
Le PDG de Daimler expliquait lors d’une interview qu’il faudrait surement attendre 2023 pour voir la crise se résorber. De son côté, Carlos Tavares, le DG de Stellantis, déclarait dans une récente interview « La crise des semi-conducteurs, d’après tout ce que je vois, et je ne suis pas sûr de pouvoir tout voir, va facilement se prolonger en 2022, parce que je ne vois pas assez de signes indiquant que la production supplémentaire en provenance des sources d’approvisionnement en Asie atteindra l’Occident dans un avenir proche ».
Les banques aussi réagissent et notamment le groupe bancaire suisse Mirabaud qui estimait sur un média français que « La pénurie des semi-conducteurs pourrait durer plus longtemps que prévue pour de multiples raisons, notamment parce que les mesures annoncées par les grands fondeurs pour répondre à la demande prendront du temps à être effectives ».
La production des semi-conducteurs : un processus très complexe
Les semi-conducteurs sont effectivement très compliqués à produire : leur production se déroule en plusieurs étapes réalisées dans des installations très spécifiques dédiées à cet effet. Cela nécessite donc des ressources techniques, humaines et matérielles très pointues et sophistiquées. Il peut y avoir jusqu’à 1400 étapes de processus (selon la complexité du procédé utilisé) dans la fabrication d’une puce, et chaque étape du processus implique généralement l’utilisation d’une variété d’outils et de machines hautement sophistiquées.
Par ailleurs, de très gros efforts en Recherche et Développement sont nécessaires pour concevoir et assurer un service après-vente pertinent et efficace de ces puces électroniques.
Sans oublier que l’idée de réaffecter une chaîne de production est quasi impossible. En effet, imaginer qu’une chaîne de production d’un semi-conducteur dédié à la téléphonie mobile ou aux ordinateurs (par exemple) peut être immédiatement réaffecté à une voiture électrique est non seulement faux et coûterait un prix considérable.
Pourquoi ? Car la réaffectation d’une chaîne de production classique (autre que semi-conducteurs) vers une chaine de production de semi-conducteurs est très complexe, coûteux et peut prendre plusieurs années.
Par exemple, un constructeur de semi-conducteurs hésitera à deux fois avant d’envoyer des machines de photolithographie (conçues notamment par ASML) de plusieurs centaines de millions de dollars dans une autre usine dédiée à un autre secteur.
Outre le processus de fabrication dans le cadre d’une réallocation de ressources pour les semi-conducteurs qui serait particulièrement complexe, le temps de fabrication est également un paramètre à prendre en compte. D’ailleurs comme l’expliquait la SIA (l’association américaine des fabricants de semi-conducteurs), la fabrication d’une puce finie pour un client peut prendre jusqu’à 26 semaines soit près de 6 mois.
Généralement le cycle de production d’une tranche de semi-conducteurs dure en moyenne 12 semaines et peut aller de 14 à 26 semaines pour les chaines de production sur lesquelles les procédés sont les plus avancés, sans oublier la mise en boitier de la puce incluant tests et assemblage pouvant prendre jusqu’à 6 semaines soit près de 2 mois.
Vous l’aurez compris, il faut en moyenne 6 mois pour produire des semi-conducteurs sur des chaines de production complexes et coûteuses.
Le faible nombre d’acteurs capables de produire les semi-conducteurs rend cette crise d’autant plus difficile à dépasser.
Aujourd’hui, trois entreprises dominent la production de semi-conducteurs : l’Américain Intel, son concurrent sud-coréen Samsung, ainsi que le groupe TSMC, établi à Taïwan. On remarque qu’il s’agit principalement d’acteurs asiatiques qui peuvent donc décider de privilégier le(s) secteur(s) de leur choix en fonction du gain financier qu’il en résulte.
Cela implique également une forte dépendance des industries consommatrices de semi-conducteurs (dont l’automobile) vis-à-vis de ces fournisseurs.
L’industrie du semi-conducteur est extrêmement concentrée et sous-traitée (75% de la production vient d’Asie de l’Est).
Le besoin en semi-conducteurs touche désormais de nouveaux secteurs.
En plus des secteurs évidents tels que la téléphonie, le jeu vidéo ou l’automobile, un autre secteur auquel on ne pense pas forcément, a également un besoin accru de semi-conducteurs. Il s’agit en fait de la cryptomonnaie. Afin de fonctionner de manière optimale, les cryptomonnaies doivent être équipées de ces précieuses puces électroniques.
Selon la Banque Nomura, la demande en bitcoin cryptomonnaie ont représenté 10% de l’ensemble des ventes de TSMC, l’un des plus grands producteurs de semi-conducteurs.
Il s’agit d’une des raisons pour lesquelles cette pénurie n’est pas près de finir dans l’immédiat.
C’est pourquoi, les différents acteurs touchés directement par cette pénurie tentent de trouver des solutions et alternatives afin d’en limiter les impacts négatifs notamment en repensant la production en local comme aimerait le faire l’Europe.
Une relocalisation de la production en Europe
Afin de limiter sa forte dépendance envers les producteurs asiatiques de semi-conducteurs, l’Europe tente de relocaliser une partie de la production chez-soi.
L’entreprise américaine Intel, un fabricant majeur actuellement, a annoncé en septembre 2021, qu’elle investira près de 80 milliards d’euros en Europe afin d’augmenter sa capacité de production dans cette région.
La France et l’Allemagne apparaissent comme les pays susceptibles d’intéresser fortement le géant américain.
L’objectif ultime de l’Europe serait de doubler sa capacité de production, qui n’est actuellement que de 10%, d’ici 2030.
Les industries européennes doivent également s’assurer d’utiliser pleinement les ressources (humaines, technologiques et matérielles) à leur disposition afin de se préparer au mieux pour une production locale.
L’Union européenne dispose d’ores et déjà de fabricants de puces tels que STMicroelectronics, Infineon Technologies, NXP Semiconductors… Il faudrait donc coconstruire avec ces acteurs, une stratégie de relocalisation de production adaptée, répondants aux intérêts de tous.
Cependant, il faut néanmoins garder en tête qu’une relocalisation de la production (en Europe) est une alternative qui prendra encore beaucoup de temps à se réaliser. En effet, la complexité de la chaine de production et d’approvisionnement du semi-conducteur rend les transferts d’une usine à une autre, très compliqués.
L’organisation professionnelle SEMI, regroupant la plupart des acteurs de ce secteur avait déjà tiré la sonnette d’alarme en 2018 aussi il y a quelques semaines, que 29 projets de constructions d’usine étaient actuellement en développement dans le monde.
A priori 3 devraient être implantées en Europe et seront opérationnelle pour 2023.
Une régulation par les institutions publiques pour plus d’égalité entre les différents secteurs
Nous savons qu’actuellement, les fabricants de semi-conducteurs ont tendance à privilégier certaines industries au détriment des autres. C’est pourquoi, il semble pertinent que des règles soient mise en place par les institutions publiques européennes incitant les fournisseurs de semi-conducteurs à distribuer ces puces de manière plus équitables entre les différents secteurs ayant un fort besoin. Cela aiderait notamment le secteur automobile, qui est l’une des industries les plus touchées par cette pénurie, à se redresser peu à peu.
« Nous devons créer ensemble un écosystème européen des semi-conducteurs à la pointe du progrès» a affirmé mercredi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen face au Parlement européen, au cours de son discours annuel sur l’état de l’Union. L’Allemande a du même coup annoncé une initiative législative sur le sujet, qui devrait être formalisée au premier semestre 2022
Cependant, vous l’aurez compris : sortir de cette crise n’est pas si simple et cela prendra du temps. C’est pourquoi, SNECI grâce à son expertise en Performance Industrielle et Développement Commercial, peut vous aider à faire face aux aléas de la logistique (allongement du temps de livraisons, suspensions de production…) renforcés par cette crise de semi-conducteurs.
Nous disposons d’une équipe qualifiée en Achats et Logistique qui accompagne nos clients dans la gestion et l’optimisation de leurs flux logistiques. Nous gérons actuellement plus de 40 entrepôts dans plus de 10 pays Européens.
Nous nous engageons à assurer un suivi de stock au quotidien et une analyse en continue des prévisions afin de réduire les risques de pénurie et de vous accompagner afin de limiter l’impact sur votre entreprise. N’hésitez pas à contacter nos équipes chez SNECI pour en savoir plus sur notre accompagnement.
En conclusion, cette crise de semi-conducteurs risque de durer encore deux voire trois années de plus pour diverses raisons : forte dépendance vis-à-vis des fabricants de ces puces, processus de production long et complexe, hausse de la demande provenant de nouveaux secteurs etc… C’est pourquoi, il semble important que les acteurs public et privés européens touchés plus ou moins indirectement par cette pénurie, s’associent afin de favoriser une production locale et de réduire leur dépendance vis-à-vis des producteurs de ces puces, des acteurs concentrés majoritairement en Asie.
